Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/20

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faite pour l’abbé D’arty, & qui ne fut pas prononcée parce que, contre son attente, ce ne fut pas lui qui en fut chargé.

L’impression, après avoir été reprise, se continua, s’acheva même assez tranquillement ; & j’y remarquai ceci de singulier, qu’après les cartons qu’on avoit sévèrement exigés pour les deux premiers volumes, on passa les deux derniers sans rien dire, & sans que leur contenu fit aucun obstacle à sa publication. J’eus pourtant encore quelque inquiétude que je ne dois pas passer sous silence. Après avoir eu peur des Jésuites, j’eus peur des jansénistes & des philosophes. Ennemi de tout ce qui s’appelle parti, faction, cabale, je n’ai jamais rien attendu de bon des gens qui en sont. Les Commères avoient, depuis un temps, quitté leur ancienne demeure, & s’étoient établis tout à côté de moi ; en sorte que de leur chambre on entendoit tout ce qui se disoit dans la mienne & sur ma terrasse, & que de leur jardin on pouvoit très aisément escalader le petit mur qui le séparoit de mon donjon. J’avois fait de ce donjon mon cabinet de travail, en sorte que j’y avois une table couverte d’épreuves & de feuilles de l’Emile & du Contrat social ; & brochant ces feuilles à mesure qu’on me les envoyoit, j’avois là tous mes volumes longtemps avant qu’on les publiât. Mon étourderie, ma négligence, ma confiance en M. Mathas, dans le jardin duquel j’étois clos, faisoient que souvent, oubliant de fermer le soir mon donjon, je le trouvois le matin tout ouvert ; ce qui ne m’eût guère inquiété, si je n’avois cru remarquer du dérangement dans mes papiers. Après avoir