Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/214

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Il faut vous faire réponse, Monsieur, puisque vous la voulez absolument, & que vous la demandez en termes si honnêtes. Il me semble pourtant qu’à votre place, je me serois moins obstiné à l’exiger. Je me serois dit : j’écris parce que j’ai du loisir, & que cela m’amuse ; l’homme à qui je m’adresse peut n’être pas dans le même cas, &nul n’est tenu à une correspondance qu’il n’a point acceptée : j’offre mon amitié à un homme que je ne connois point, & qui me connoît encore moins ; je la lui offre sans autre titre auprès dé lui, que les louanges que je lui donne, &que je me donne ; sans savoir s’il n’a pas déjà plus d’amis qu’il n’en peut cultiver, sans savoir si mille autres ne lui sont pas la même offre avec le même droit, comme si l’on pouvoir se lier ainsi de loin sans se connoître, & devenir insensiblement l’ami de toute la terre. L’idée d’écrire à un homme dont on lit les ouvrages, & dont on veut avoir une lettre à montrer, est - elle donc si singulière qu’elle ne puisse être venue qu’à moi seul ? & si elle étoit venue à beaucoup de gens, faudroit-il que cet homme passât sa vie à faire réponse à des foules d’amis inconnus, & qu’il négligeât pour eux ceux qu’il s’est choisis ? On dit qu’il s’est retiré dans une solitude, cela n’annonce pas un grand penchant à faire de nouvelles connoissances. On assure aussi qu’il n’a pour tout bien que le fruit de son