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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/220

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dans la rue qui a le plus mauvais renom ? Que voulez-vous que je pense ? J’eus toujours du penchant à vous aimer ; mais je dois subordonner mes goûts à la raison, & je ne veux pas être dupe. Je vous plains ; mais je ne puis vous rendre ma confiance, que je n’aye des preuves que vous ne me trompez plus.

Vous avez ici des effets dans deux malles dont une est à moi. Disposez de ces effets, je vous prie ; puisqu’ils vous doivent être utiles, & qu’ils m’embarrasseroient, dans le transport des miens, si je quittois Motiers. Vous me paroissez être dans le besoin ; je ne suis pas non plus trop à mon aise. Cependant si vos besoins sont pressans, & que les dix louis, que vous n’acceptâtes pas l’année dernière, puissent y porter quelque remède, parlez-moi clairement. Si je connoissois mieux votre état, je vous préviendrois ; mais je voudrois vous soulager, non vous offenser.

Vous êtes dans un âge où l’ame a déjà pris son pli, & où les retours à la vertu sont difficiles. Cependant les malheurs sont de grandes leçons, puissiez-vous en profiter pour rentrer en vous-même ! Il est certain que vous étiez fait pour être un homme de mérite. Ce seroit grand dommage que vous trompassiez votre vocation. Quant à moi, je n’oublierai jamais l’attachement que j’eus pour vous, & si j’achevois de vous en croire indigne, je m’en consolerois difficilement.