Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/246

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Voyez comment ces pauvres gens accordent leurs flûtes. Au premier bruit d’une lettre que j’avois reçue, on y mit aussitôt pour emplâtre que Mrs. Helvétius & Diderot en avoient reçu de pareilles. Que sont maintenant devenues ces lettres ? M. de Voltaire a-t-il aussi voulu se moquer d’eux ? Je ris toujours de vos Parisiens, de ces esprits si subtils, de ces jolis faiseurs d’épigrammes, que leur Voltaire mène incessamment avec des contes de vieilles, qu’on ne seroit pas croire aux enfans. J’ose dire que ce Voltaire lui-même, avec tout don esprit n’est qu’une bête, un méchant très-mal adroit. Il me poursuit, il m’écrase, il me persécute, & peut-être me sera-t-il périr à la fin ; grande merveille, avec cent mille livres de rente, tant d’amis puissans à la cour, & tant de si basses cajoleries, contre un pauvre homme dans mon état. J’ose dire que si Voltaire dans une situation pareille à la mienne, osoit m’attaquer, & que je daignasse employer contre lui ses propres armes, il seroit bientôt terrassé. Vous allez juger de la finesse de ses piéges par un fait qui peut-être a donné lieu au bruit qu’il a répandu, comme s’il eût été sûr d’avance du succès d’une ruse si bien conduite.

Un chevalier de Malte qui a beaucoup bavardé dans Genève, & dit venir d’Italie, est venu me voir, il y a quinze jours, de la part du général Paoli, faisant beaucoup l’empressé des commissions dont il se disoit chargé près de moi, mais me disant au fond très - peu de chose, & m’étalant d’un air important c’assez chétives paperasses fort pochetées. À chaque pièce qu’il me montroit, il étoit tout étonné de me voir tirer d’un tiroir la même pièce, & la lui montrer à mon