Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/345

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devienne empereur ou roi, encore ce que je serai dans ce cas sera-t-il moins pour vous que pour mes peuples, puisqu’en pareil cas, quand je ne vous devrois rien, je ne le serois pas moins.

En outre, quoique vous puissiez faire ; au Bignon, je serois chez vous, & je ne puis être à mon aise que chez moi ; je serois dans le ressort du parlement de Paris, qui par raison de convenance peut au moment qu’on y pensera le moins, faire une excursion nouvelle in anima vili ; je ne veux pas le laisser exposé à la tentation.

J’irois pourtant voir votre terre avec grand plaisir si cela ne faisoit pas un détour inutile, & si je ne craignois un peu, quand j’y serois, d’avoir la tentation d’y rester. Là-dessus toutefois votre volonté soit faite ; je ne résisterai jamais au bien que vous, voudrez me faire, quand je le sentirai conforme à mon bien réel ou de fantaisie ; car pour moi c’est tout un. Ce que je crains n’est pas de vous être obligé, mais de vous être inutile.

Je suis très-surpris & très-en peine de ne recevoir aucune nouvelle d’Angleterre, & surtout de Suisse dont j’en attends avec inquiétude. Ce retard me met dans le cas de faire à vous & à moi le plaisir de rester ici jusqu’a-ce que j’en aie reçu, & par conséquent celui de vous y embrasser quelquefois encore, sachant que les œuvres de miséricorde plaisent à votre cœur. Je remets donc à ces doux momens ce qu’il me reste à vous dire, & surtout à vous remercier du bien que vous m’avez procuré dimanche au soir, & que par la manière dont je l’ai senti je mérite d’avoir encore. Vale, et me ama.