Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cher hôte, venez ; nous aurons des légumes ; non pas de son jardin car il n’en est pas le maître. Mais un bon homme qu’on trompoit, s’est détaché de la ligue ; & je compte m’arranger avec lui pour mes fournitures, que je n’ai pu faire jusqu’ici, ni sans payer, ni en payant. Mardi, soupant avec son Altesse, je mangeai du fruit pour la seule fois depuis deux mois ; je le lui dis tout bonnement. Le lendemain il m’envoya le bassin qu’on lui avoit servi la veille, & qui me fit grand plaisir : car il faut vous dire que je suis ici environné de jardins & d’arbres, comme Tantale au milieu des eaux. Mon état à tous égards ne peut se représenter. Mais venez ; il changera, du moins tandis que vous serez avec moi.

Votre précaution d’aller par degrés est excellente. Continuez de même, & ne vous pressez point. Mais je vous conjure de si bien faire, que vous vous pressiez encore moins de partir d’ici, quand vous y serez. Vous faites très-bien de porter à vos pieds, vos nattes & vos tapis de pied. La façon dont vous me proposez cette terrible énigme, m’a fait mourir de rire. Je suis l’Oedipe qui sera l’effort de la deviner : c’est que vous avez des pantouffles de laine garnies de paille. Si vos attaques d’échecs sont de la force de énigmes, je n’ai qu’à me bien tenir. Bonjour.

Les oreilles ont dû vous tinter pendant que Son Altesse étoit ici. Bonjour derechef ; je ne croyois écrire qu’un mot, & je ne saurois finir.