Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/384

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laquelle nous vivons depuis treize ans, n’a point changé de nature par le nœud conjugal ; elle est, & sera jusqu’à la mort ma femme par la force de nos liens, & ma sœur par leur pureté. Cet honnête & saint engagement a été contracté dans toute la simplicité, mais aussi dans toute la vérité de la nature, en présence de deux hommes de mérite & d’honneur officiers d’artillerie, & l’un fils d’un de mes anciens amis du bon - temps, c’est-à-dire, avant que j’eusse aucun nom dans le monde, & l’autre, maire de cette ville, & proche parent du premier. Durant cet acte si court & si simple, j’ai vu fondre en larmes ces deux dignes hommes, & je ne puis vous dire combien cette marque de la bonté de leurs cœurs m’a attaché à l’un & à l’autre.

Je ne suis pas plus avancé sur le choix de ma demeure que quand j’eus l’honneur de vous voir à Lyon, & tant de cabarets, & de courses ne facilitent pas un bon établissement. Les nouveaux voyages à faite me sont peur surtout à l’entrée de la saison où nous touchons, & je prendrai le parti de m’arrêter volontairement ici, si je puis, avant que je me trouve, par ma situation, dans l’impossibilité d’y rester & dans celle d’aller plus loin. Ainsi, Monsieur, je me vois forcé de renoncer pour cette année, à l’espoir de me rapprocher de vous, sauf à voir dans la suite ce que je pourrai faire pour contenter mon désir à cet égard.

Recevez les salutations de ma femme, & celles, Monsieur, d’un homme qui vous aime de tout son cœur.