Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/395

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leurs satellites ; au lieu que les pachas ne se piquant pas de philosophie, & n’étant que médiocrement galans, les Machiavels & leurs amies ne disposeroient pas tout-à-fait aussi aisément d’eux, que de ceux d’ici. Le projet que vous substituez au mien, savoir, celui de ma retraite dans les Cévennes, à été le premier des miens en songeant à quitter Trie ; je le proposai à M. le Prince de Conti, qui s’y opposa & me força de l’abandonner. Ce projet eut été fort de mon goût, & le seroit encore. Mais je vous avoue qu’une habitation tout-à-fait isolée m’effraye un peu, depuis que je vois dans ceux qui disposent de moi tant d’ardeur à m’y confiner. Je ne sais ce qu’ils veulent faire de moi dans un désert, mais ils m’y veulent entraîner à toute force, & je ne doute pas que ce ne soit l’une des raisons qui les a portés à me chasser de Trie, dont l’habitation ne leur paroissoit pas encore assez solitaire pour leur objet, quoique le vœu commun de son Altesse, de Mde. la Maréchale & le mien fût que j’y finisse mes jours. S’ils n’avoient voulu que s’assurer de moi, me diffamer à leur aise, sans que jamais je pusse dévoiler leurs trames aux yeux du public, ni même les pénétrer, c’étoit là qu’ils devoient me tenir, puisque, maîtres absolus dans la maison du Prince, ou il n’a lui-même aucun pouvoir, ils y disposoient de moi tout à leur gré. Cependant après avoir tâché de me dissuader d’y rentrer, & de me persuader d’en sortir, trouvant ma volonté inébranlable, ils ont fini par m’en chasser de vive force par les mains du sacripant que le maître avoit chargé de me protéger, mais qui se sentoient trop bien protégés ici, même par d’autres,