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LETTRE À Mr. MOULTOU.

À Monquin le 28 Mars 1770.

Je tardois, cher Moultou, pour répondre à votre dernière lettre, de pouvoir vous donner quelque avis certain de ma marche, mais les neiges qui sont revenues m’assiéger, rendent les chemins de cette montagne tellement impraticables, que je ne sais plus quand j’en pourrai partir. Ce sera, dans mon projet, pour me rendre à Lyon, d’où je sais bien ce que je veux faire, mais j’ignore ce que je ferai.

J’avois eu le projet que vous me suggérez, d’aller m’établir en Savoie ; je demandai & obtins, durant mon séjour à Bourgoin, un passe-port pour cela, dont sur des lumières qui me vinrent en même-temps, je ne voulus point faire usage ; j’ai résolu d’achever mes jours dans ce royaume, & d’y laisser à ceux qui disposent de moi, le plaisir d’assouvir leur fantaisie jusqu’à mon dernier soupir.

Je ne suis point dans le cas d’avoir besoin de la bourse d’autrui, du moins pour le présent, & dans la position où je suis, je ne dépense guères moins en place qu’en voyage : mais je suis fâché que l’offre de votre bourse m’ait ôté la ressource d’y recourir au besoin ; ma maxime la plus chérie est de ne jamais rien demander à ceux qui m’offrent. Je les punis de m’avoir ôté un plaisir en les privant d’un autre ; & quand je me serai des amis à mon goût, je ne les irai