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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/94

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en ce même temps, celle de l’abbé de Mably. Ayant demeuré chez son frère, j’avois eu quelques liaisons avec lui, mais jamais bien intimes, & j’ai quelque lieu de croire que ses sentimens à mon égard avoient changé de nature depuis que j’avois acquis plus de célébrité que lui. Mais ce fut à la publication des Lettres de la montagne que j’eus le premier signe de sa mauvaise volonté pour moi. On fit courir dans Genève une lettre à Mde. Saladin, qui lui étoit attribuée, & dans laquelle il parloit de cet ouvrage comme des clameurs séditieuses d’un démagogue effréné.

L’estime que j’avois pour l’abbé de Mably, & le cas que je faisois de ses lumières ne me permirent pas un instant de croire que cette extravagante lettre fût de lui. Je pris là-dessus le parti que m’inspira la franchise. Je lui envoyai une copie de la lettre, en l’avertissant qu’on la lui attribuoit. Il ne me fit aucune réponse. Ce silence m’étonna ; mais qu’on juge de ma surprise quand Mde. de C

[henonceau] x me manda que la lettre étoit réellement de l’abbé, & que la mienne l’avoit fort embarrassé ! Car enfin, quand il auroit eu raison, comment pouvait-il excuser une démarche éclatante, & publique, faite de gaieté de cœur, sans obligation, sans nécessité, à l’unique fin d’accabler au plus fort de ses malheurs un homme auquel il avoit toujours marqué de la bienveillance, & qui n’avoit jamais démérité de lui ? Quelque tems après parurent les Dialogues de Phocion, où je ne vis qu’une compilation de mes écrits, faite sans retenue, & sans honte.

Je sentis, à la lecture de ce livre, que l’auteur avoit pris