Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/142

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en effet, dans le véritable honneur de solide raison pour les refuser. Mais ici le devoir, la raison, l’amour même, tout parle d’un ton que je ne peux méconnoître. S’il faut choisir entre l’honneur & vous, mon cœur est prêt à vous perdre. Il vous aime trop, ô Julie ! pour vous conserver à ce prix.

LETTRE XXV. DE JULIE.

La relation de votre voyage est charmante, mon bon ami ; elle me feroit aimer celui qui l’a écrite, quand même je ne le connoitrois pas. J’ai pourtant à vous tancer sur un passage dont vous vous doutez bien ; quoique je n’aye pu m’empêcher de rire de la ruse avec laquelle vous vous êtes mis à l’abri du Tasse, comme derriere un rempart. Eh ! comment ne sentiez-vous point qu’il y a bien de la différence entre écrire au public ou à sa maîtresse ? L’amour, si craintif, si scrupuleux, n’exige-t-il pas plus d’égards que la bienséance ? Pouviez-vous ignorer que ce style n’est pas de mon goût, & cherchiez-vous à me déplaire ? Mais en voilà déjà trop, peut-être, sur un sujet qu’il ne faloit point relever. Je suis d’ailleurs, trop occupée de votre seconde lettre pour répondre en détail à la premiere. Ainsi, mon ami, laissons le Valais pour une autre fois, & bornons-nous maintenant à nos affaires ; nous serons assez occupés.