Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ne manque pas au rendez-vous de demain. Jamais je n’eus si grand besoin de te voir, ni si peu d’espoir de te voir long-tems. Adieu, mon cher & unique ami. Tu n’as pas bien dit, ce me semble ; vivons pour nous aimer. Ah ! il faloit dire ; aimons-nous pour vivre.

LETTRE LXII. DE CLAIRE À JULIE.

Faudra-t-il toujours, aimable Cousine, ne remplir envers toi que les plus tristes devoirs de l’amitié ? Faudra-t-il toujours dans l’amertume de mon cœur affliger le tien par de cruels avis ? Hélas ! tous nos sentimens nous sont communs, tu le sais bien & je ne saurois t’annoncer de nouvelles peines que je ne les aie déjà senties. Que ne puis-je te cacher ton infortune sans l’augmenter ! ou que la tendre amitié n’a-t-elle autant de charmes que l’amour ! Ah ! que j’effacerois promptement tous les chagrins que je te donne !

Hier après le concert, ta mere en s’en retournant ayant accepté le bras de ton ami, & toi celui de M. d’Orbe, nos deux peres resterent avec Milord à parler de politique ; sujet dont je suis si excédée que l’ennui me chassa dans ma chambre. Une demi-heure après j’entendis nommer ton ami plusieurs fois avec assez de véhémence : je connus que la conversation avoit changé d’objet & je prêtai l’oreille. Je jugeai par la suite du discours qu’Edouard avoit osé proposer