Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/276

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console un infortuné ! Dis-lui cent fois… Ah ! dis-lui… Ne crois-tu pas, chere amie, que malgré tous les préjugés, tous les obstacles, tous les revers, le Ciel nous a faits l’un pour l’autre ? Oui, oui, j’en suis sûre ; il nous destine à être unis. Il m’est impossible de perdre cette idée, il m’est impossible de renoncer à l’espoir qui la suit. Dis-lui qu’il se garde lui-même du découragement & du désespoir. Ne t’amuse point à lui demander en mon nom amour & fidélité ; encore moins à lui en promettre autant de ma part. L’assurance n’en est-elle pas au fond de nos ames ? Ne sentons-nous pas qu’elles sont indivisibles, & que nous n’en avons plus qu’une à nous deux ? Dis-lui donc seulement qu’il espere ; & que, si le sort nous poursuit, il se fie au moins à l’amour ; car, je le sens, ma cousine, il guérira de maniere ou d’autre les maux qu’il nous cause, & quoique le Ciel ordonne de nous, nous ne vivrons pas long-tems séparés.

P.S. Après ma lettre écrite, j’ai passé dans la chambre de ma mere, & je me suis trouvée si mal que je suis obligée de venir me remettre dans mon lit. Je m’apperçois même… je crains… ah ! ma chere ! je crains bien que ma chute d’hier n’ait quelque suite plus funeste que je n’avois pensé. Ainsi tout est fini pour moi ; toutes mes espérances m’abandonnent en même tems.