Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/33

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Mes jeunes gens sont aimables ; mais pour les aimer à trente ans, il faut les avoir connus à vingt. Il faut avoir vécu long-tems avec eux pour s’y plaire ; & ce n’est qu’apres avoir déploré leurs fautes, qu’on vient à goûter leurs vertus. Leurs lettres n’intéressent pas tout d’un coup ; mais peu à peu elles attachent ; on ne peut ni les prendre, ni les quitter. La grace & la félicité n’y sont pas, ni la raison, ni l’esprit, ni l’éloquence ; le sentiment y est ; il se communique au cœur par degrés, &, lui seul à la fin, supplée à tout. C’est une longue romance, dont les couplets pris à part, n’ont rien qui touche, mais dont la suite produit à la fin son effet. Voilà ce que j’eprouve en les lisant : dites - moi si vous sentez la même chose.

N. Non. Je conçois pourtant cet effet par rapport à vous. Si vous êtes l’Auteur, l’effet est tout simple. Si vous ne l’êtes pas, je le conçois encore. Un homme qui vit dans le monde ne peut s’accoutumer aux idées extravagantes, au pathos affecté, au déraisonnement continuel de vos bonnes gens. Un Solitaire peut les goûter ; vous en avez dit la raison vous-même. Mais avant que de publier