Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/340

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plus besoin d’autre leçon pour contenir ton imagination fougueuse. C’est sous les auspices de cet homme respectable que tu vas entrer dans le monde ; c’est à l’appui de son crédit, c’est guidé par son expérience, que tu vas tenter de venger le mérite oublié des rigueurs de la fortune. Fais pour lui ce que tu ne ferais pas pour toi ; tâche au moins d’honorer ses bontés en ne les rendant pas inutiles. Vois quelle riante perspective s’offre encore à toi ; vois quel succes tu dois espérer dans une carriere où tout concourt à favoriser ton zele. Le Ciel t’a prodigué ses dons ; ton heureux naturel, cultivé par ton goût, t’a doué de tous les talents ; à moins de vingt-quatre ans, tu joins les grâces de ton âge à la maturité qui dédommage plus tard des progres de sans :

Frutto senile in sçu ’l giovenil fiore.


L’étude n’a point émoussé ta vivacité ni appesantit a personne ; la fade galanterie n’a point rétréci ton esprit ni hébété ta raison. L’ardent amour, en t’inspirant tous les sentimens sublimes dont il est le pere, t’a donné cette élévation d’idées & cette justesse de sens [1] qui en sont inséparables. À sa douce chaleur, j’ai vu ton ame déployer ses brillantes facultés, comme une fleur s’ouvre aux rayons du soleil : tu as à la fois tout ce qui mene à la fortune & tout ce qui la fait mépriser. Il ne te manquoit, pour obtenir les honneurs du monde, que d’y daigner prétendre & j’espere qu’un objet plus cher à ton cœur te donnera pour eux le zele dont ils ne sont pas dignes.

  1. Justesse de sens inseparable de l’amour ! Bonne Julie, elle ne brille pas ici dans le vôtre.