Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/345

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car il y a des deux côtés une préparation nécessaire, un certain concours dont résulte ce précieux sentiment recherché de tout être sensible & toujours ignoré du faux sage, qui s’arrête au plaisir du moment faute de connoître un bonheur durable. Que serviroit donc d’acquérir un de ces avantages aux dépens de l’autre, de gagner au dehors pour perdre encore plus au dedans & de se procurer les moyens d’être heureux en perdant l’art de les employer ? Ne vaut-il pas mieux encore, si l’on ne peut avoir qu’un des deux, sacrifier celui que le sort peut nous rendre à celui qu’on ne recouvre point quand on l’a perdu ? Qui le doit mieux savoir que moi, qui n’ai fait qu’empoisonner les douceurs de ma vie en pensant y mettre le comble ? Laisse donc dire les méchans qui montrent leur fortune & cachent leur cœur ; & sois sûr que s’il est un seul exemple du bonheur sur la terre, il se trouve dans un homme de bien. Tu reçus du Ciel cet heureux penchant à tout ce qui est bon & honnête : n’écoute que tes propres désirs, ne suis que tes inclinations naturelles ; songe surtout à nos premieres amours : tant que ces momens purs & délicieux reviendront à ta mémoire, il n’est pas possible que tu cesses d’aimer ce qui te les rendit si doux, que le charme du beau moral s’efface dans ton ame, ni que tu veuilles jamais obtenir ta Julie par des moyens indignes de toi. Comment jouir d’un bien dont on auroit perdu le goût ? Non, pour pouvoir posséder ce qu’on aime, il faut garder le même cœur qui l’a aimé.

Me voici à mon second point : car, comme tu vois, je n’ai