Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/384

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les malheurs des Perses leurs ennemis, dans les crimes & les folies des rois dont ce peuples’étoit délivré. Qu’on représente à Berne, à Zurich, à la Haye, l’ancienne tyrannie de la maison d’Autriche, l’amour de la patrie & de la liberté nous rendra ces pieces intéressantes. Mais qu’on me dise de quel usage sont ici les tragédies de Corneille & ce qu’importe au peuple de Paris Pompée ou Sertorius. Les tragédies grecques rouloient sur des événemens réels ou réputés tels par les spectateurs & fondés sur des traditions historiques. Mais que fait une flamme héroÏque, & pure dans l’ame des grands ? Ne diroit-on pas que les combats de l’amour & de la vertu leur donnent souvent de mauvaises nuits & que le cœur a beaucoup à faire dans les mariages des rois ? Juge de la vraisemblance & de l’utilité de tant de pieces, qui roulent toutes sur ce chimérique sujet !

Quant à la comédie, il est certain qu’elle doit représenter au naturel les mœurs du peuple pour lequel elle est faite, afin qu’il s’y corrige de ses vices & de ses défauts, comme on ôte devant un miroir les taches de son visage. Térence & Plaute se tromperent dans leur objet ; mais avant eux Aristophane & Ménandre avaient exposé aux Athéniens les mœurs athéniennes ; & depuis, le seul Moliere peignit plus naÏvement encore celles des François du siecle dernier à leurs propres yeux. Le tableau a changé ; mais il n’est plus revenu de peintre. Maintenant on copie au théâtre les conversations d’une centaine de maisons de Paris. Hors de cela, on n’y apprend rien des mœurs des François. Il y a dans cette grande ville cinq ou six cent mille âmes dont il n’est