Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/422

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Je t’en ai prévenue, je ne suis en rien de l’opinion commune sur le compte des femmes de ce pays. On leur trouve unanimement l’abord le plus enchanteur, les grâces les plus séduisantes, la coquetterie la plus raffinée, le sublime de la galanterie & l’art de plaire au souverain degré. Moi, je trouve leur abord choquant, leur coquetterie repoussante, leurs manieres sans modestie. J’imagine que le cœur doit se fermer à toutes leurs avances ; & l’on ne me persuadera jamais qu’elles puissent un moment parler de l’amour sans se montrer également incapables d’en inspirer & d’en ressentir.

D’un autre côté, la renommée apprend à se défier de leur caractere ; elle les peint frivoles, rusées, artificieuses, étourdies, volages, parlant bien, mais ne pensant point, sentant encore moins & dépensant ainsi tout leur mérite en vain babil. Tout cela me paraît à moi leur être extérieur, comme leurs paniers & leur rouge. Ce sont des vices de parade qu’il faut avoir à Paris & qui dans le fond couvrent en elles du sens, de la raison, de l’humanité, du bon naturel. Elles sont moins indiscretes, moins tracassieres que chez nous, moins peut-être que partout ailleurs. Elles sont plus solidement instruites & leur instruction profite mieux à leur jugement. En un mot, si elles me déplaisent partout ce qui caractérise leur sexe qu’elles ont défiguré, je les estime par des rapports avec le nôtre qui nous font honneur ; & je trouve qu’elles seroient cent fois plutôt des hommes de mérite que d’aimables femmes.

Conclusion : si Julie n’eût point existé, si mon cœur eût