Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/483

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infortunée, je vous supplie, je vous conjure, dites-moi ce que j’en dois croire. Déchirez-moi le cœur si je suis coupable. Si la douleur de nos fautes l’a fait descendre au tombeau, nous sommes deux monstres indignes de vivre ; c’est un crime de songer à des liens si funestes, c’en est un de voir le jour. Non, j’ose le croire, un feu si pur n’a point produit de si noirs effets. L’amour nous inspira des sentimens trop nobles pour en tirer les forfaits des âmes dénaturées. Le ciel, le Ciel seroit-il injuste, & celle qui sut immoler son bonheur aux auteurs de ses jours méritoit-elle de leur coûter la vie ?

LETTRE VII. REPONSE.

Comment pourroit-on vous aimer moins en vous estimant chaque jour davantage ? Comment perdrois-je mes anciens sentimens pour vous tandis que vous en méritez chaque jour de nouveaux ? Non, mon cher, & digne ami, tout ce que nous fûmes les uns aux autres des notre premiere jeunesse, nous le serons le reste de nos jours ; & si notre mutuel attachement n’augmente plus, c’est qu’il ne peut plus augmenter. Toute la différence est que je vous aimois comme mon frere, & qu’à présent je vous aime comme mon enfant ; car quoique nous soyons toutes deux plus jeunes que vous, & même vos disciples, je vous regarde un peu comme le nôtre. En nous apprenant à penser, vous avez appris de nous à être sensible, &