Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/552

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confondus ; tous leurs sentimens nous étoient communs, & les miens partageoient la grandeur des vôtres. Me voilà donc retombé dans toute ma bassesse ! Doux espoir, qui nourrissois mon ame, & m’abusas si longtemps, te voilà donc éteint sans retour ! Elle ne sera point à moi ! Je la perds pour toujours ! Elle fait le bonheur d’un autre !… Ô rage ! ô tourment de l’enfer !…Infidele ! ah ! devois-tu jamais… Pardon, pardon, Madame ; ayez pitié de mes fureurs. Ô Dieu ! vous l’avez trop bien dit, elle n’est plus… elle n’est plus, cette tendre Julie à qui je pouvois montrer tous les mouvemens de mon cœur ! Quoi ! je me trouvois malheureux, & je pouvois me plaindre !… elle pouvoit m’écouter ! J’étois malheureux ?… que suis-je donc aujourd’hui ?… Non, je ne vous ferai plus rougir de vous ni de moi. C’en est fait, il faut renoncer l’un à l’autre, il faut nous quitter ; la vertu même en a dicté l’arrêt ; votre main l’a pu tracer. Oublions-nous… oubliez-moi du moins. Je l’ai résolu, je le jure ; je ne vous parlerai plus de moi.

Oserai-je vous parler de vous encore, & conserver le seul intérêt qui me reste au monde, celui de votre bonheur ? En m’exposant l’état de votre ame, vous ne m’avez rien dit de votre sort. Ah ! pour prix d’un sacrifice qui doit être senti de vous, daignez me tirer de ce doute insupportable. Julie, êtes-vous heureuse ? Si vous l’êtes, donnez-moi dans mon désespoir la seule consolation dont je sois susceptible ; si vous ne l’êtes pas, par pitié daignez me le dire, j’en serai moins long-tems malheureux.

Plus je réfléchis sur l’aveu que vous méditez, moins j’y