Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/134

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me figure, leur dis-je, un homme riche de Paris ou de Londres, maître de cette maison & amenant avec lui un architecte cherement payé pour gâter la nature. Avec quel dédain il entreroit dans ce lieu simple & mesquin ! Avec quel mépris il feroit arracher toutes ces guenilles ! Les beaux alignemens qu’il prendrait ! Les belles allées qu’il feroit percer ! Les belles pattes-d’oie, les beaux arbres en parasol, en éventail ! Les beaux treillages bien sculptés ! Les belles charmilles bien dessinées, bien équarries, bien contournées ! Les beaux boulingrins de fin gazon d’Angleterre, ronds, carrés, échancrés, ovales ! Les beaux ifs taillés en dragons, en pagodes, en marmousets, en toutes sortes de monstres ! Les beaux vases de bronze, les beaux fruits de pierre dont il ornera son jardin [1] !.... Quand tout cela sera exécuté, dit M. de Wolmar, il aura fait un tres beau lieu dans lequel on n’ira guere & dont on sortira toujours avec empressement pour aller chercher la campagne ; un lieu triste, où l’on ne se promenera point, mais par où l’on passera pour s’aller promener ; au lieu que dans mes courses champêtres je me hâte souvent de rentrer pour venir me promener ici.

Je ne vois dans ces terrains si vastes & si richement ornés que la vanité du propriétaire & de l’artiste, qui, toujours empressés d’étaler, l’un sa richesse & l’autre son talent, préparent,

  1. Je suis persuadé que la tems approche où l’on voudra plus dans les jardins rien de ce qui se trouve dans la campagne ; on n’y souffrita plus ni plantes, ni arbrisseaux : on n’y voudra que des fleurs de porcelaine, des magots, des treillages, du fable de toutes couleurs & de beaux vases pleins de rien.