Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/450

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agréable, ou montrez-moi comment je puis être mieux.

J’ai blâmé les extases des mystiques. Je les blâme encore quand elles nous détachent de nos devoirs & que, nous dégoûtant de la vie active par les charmes de la contemplation, elles nous menent à ce quiétisme dont vous me croyez si proche & dont je crois être aussi loin que vous.

Servir Dieu, ce n’est point passer sa vie à genoux dans un oratoire, je le sais bien ; c’est remplir sur la terre les devoirs qu’il nous impose ; c’est faire en vue de lui plaire tout ce qui convient à l’état où il nous a mis : …

il cor gradisce ;
E serve a lui chi’l suo dover compisce. [1]


Il faut premierement faire ce qu’on doit & puis prier quand on le peut ; voilà la regle que je tâche de suivre. Je ne prends point le recueillement que vous me reprochez comme une occupation, mais comme une récréation ; & je ne vois pas pourquoi parmi les plaisirs qui sont à ma portée, je m’interdirois le plus sensible & le plus innocent de tous.

Je me suis examinée avec plus de soin depuis votre lettre ; j’ai étudié les effets que produit sur mon ame ce penchant qui semble si fort vous déplaire & je n’y sais rien voir jusqu’ici qui me fasse craindre, au moins sitôt, l’abus d’une dévotion mal entendue.

Premierement, je n’ai point pour cet exercice un goût

  1. (a) Le cœur lui suffit & qui fait son devoir le prie. METAST.