Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/451

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trop vif qui me fasse souffrir quand j’en suis privée, ni qui me donne de l’humeur quand on m’en distrait. Il ne me donne point non plus de distractions dans la journée & ne jette ni dégoût ni impatience sur la pratique de mes devoirs. Si quelquefois mon cabinet m’est nécessaire, c’est quand quelque émotion m’agite, & que je serois moins bien partout ailleurs : c’est là que, rentrant en moi-même, j’y retrouve le calme de la raison. Si quelque souci me trouble, si quelque peine m’afflige, c’est là que je les vais déposer. Toutes ces miseres s’évanouissent devant un plus grand objet. En songeant à tous les bienfaits de la Providence, j’ai honte d’être sensible à de si faibles chagrins & d’oublier de si grandes grâces. Il ne me faut des séances ni fréquentes ni longues. Quand la tristesse m’y suit malgré moi, quelques pleurs versés devant celui qui console soulagent mon cœur à l’instant. Mes réflexions ne sont jamais ameres ni douloureuses ; mon repentir même est exempt d’alarmes. Mes fautes me donnent moins d’effroi que de honte ; j’ai des regrets & non des remords. Le Dieu que je sers est un Dieu clément, un pere : ce qui me touche est sa bonté ; elle efface à mes yeux tous ses autres attributs ; elle est le seul que je conçois. Sa puissance m’étonne, son immensité me confond, sa justice… Il a fait l’homme foible ; puisqu’il est juste, il est clément. Le Dieu vengeur est le Dieu des méchants : je ne puis ni le craindre pour moi ni l’implorer contre un autre. Ô Dieu de paix, Dieu de bonté, c’est toi que j’adore ! c’est de toi, je le sens, que je suis l’ouvrage ; & j’espere te retrouver