Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/122

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plus longtemps, & qui perçaient l’air de leurs cris, sans vouloir écouter personne, aussitôt qu’on tardoit à leur obéir. Tout s’empressoit vainement à leur complaire ; leurs désirs s’irritant par la facilité d’obtenir, ils s’obstinaient aux choses impossibles, & ne trouvaient partout que contradictions, qu’obstacles, que peines, que douleurs. Toujours grondants, toujours mutins, toujours furieux, ils passaient les à crier, à se plaindre. étoient-ce là des êtres bien fortunes ? La foiblesse & la domination réunies n’engendrent que folie & misère. De deux enfans gâtes, l’un bat la table, et l’autre fait fouetter la mer ; ils auront bien à fouetter & à battre avant de vivre contents.

Si ces idées d’empire & de tyrannie les rendent misérables dès leur enfance, que sera-ce quand ils grandiront, & que leurs relations avec les autres hommes commenceront à s’étendre & se multiplier ? Accoutumés à voir tout fléchir devant eux, quelle surprise, en entrant dans le monde, de sentir que tout leur résiste, et de se trouver écrasés du poids de cet univers qu’ils pensaient mouvoir à leur gré ! Leurs airs insolents, leur puérile vanité, ne leur attirent que mortifications, dédains, railleries ; ils boivent les affronts comme l’eau ; de cruelles épreuves leur apprennent bientôt qu’ils ne connaissent ni leur état ni leurs forces ; ne pouvant tout, ils croient ne rien pouvoir. Tant d’obstacles inaccoutumés les rebutent, tant de mépris les avilissent : ils deviennent lâches, craintifs, rampants, & retombent autant au-dessous d’eux-mêmes, qu’ils s’étaient élevés au-dessus.

Revenons à la règle primitive. La nature a fait les enfans