Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/177

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Tenoit dans son bec un fromage.

Quel fromage ? étoit-ce un fromage de Suisse, de Brie, ou de Hollande ? Si l’enfant n’a point vu de Corbeaux, que gagnez-vous à lui en parler ? s’il en a vu, comment concevra-t-il qu’ils tiennent un fromage à leur bec ? Faisons toujours des images d’après nature.

Maître Renard, par l’odeur alléché,

Encore un maître ! mais pour celui-ci c’est à bon titre : il est maître passé dans les tours de son métier. Il faut dire ce que c’est qu’un Renard, & distinguer son vrai naturel, du caractere de convention qu’il a dans les fables.

Alléché. Ce mot n’est pas usité. Il le faut expliquer : il faut dire qu’on ne s’en sert plus qu’en Vers. L’enfant demandera pourquoi l’on parle autrement en Vers qu’en Prose. Que lui répondrez-vous ?

Alléché par l’odeur d’un fromage ! Ce fromage tenu par un Corbeau perché sur un arbre, devoit avoir beaucoup d’odeur pour être senti par le Renard dans un taillis ou dans son terrier ! Est-ce ainsi que vous exercez votre Eleve à cet esprit de critique judicieuse, qui ne s’en laisse imposer qu’à bonnes enseignes, & sait discerner la vérité du mensonge, dans les narrations d’autrui ?

Lui tint à peu près ce langage :

Ce langage ! Les Renards parlent donc ? ils parlent donc la même Langue que les Corbeaux ? Sage Précepteur,