Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/196

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prescrites, & il fut recommandé à l’apothicaire. Je soupirois de voir cette pauvre mère ainsi la dupe de tout ce qui l’environnait, excepté moi seul, qu’elle prit en haine, précisément parce que je ne la trompois pas.

Après des reproches assez durs, elle me dit que son fils étoit délicat, qu’il était l’unique héritier de sa famille, qu’il falloit le conserver à quelque prix que ce fût, et qu’elle ne vouloit as qu’il fût contrarié. En cela j’étois bien d’accord avec elle ; mais elle entendoit par le contrarier ne lui pas obéir en tout. Je vis qu’il falloit prendre avec la mère le même ton qu’avec l’enfant. Madame, lui dis-je assez froidement, je ne sais point comment on élève un héritier, &, qui plus est, je ne veux pas l’apprendre ; vous pouvez vous arranger la-dessus. On avoit besoin de moi pour quelque temps encore : le père apaisa tout ; la mère écrivit au précepteur de hâter son retour ; & l’enfant, voyant qu’il ne gagnoit rien à troubler mon sommeil ni à être malade, prit enfin le parti de dormir lui-même & de se bien porter.

On ne sauroit imaginer à combien de pareils caprices le petit tyran avoit asservi son malheureux gouverneur ; car l’éducation se faisoit sous les yeux de la mère, qui ne souffroit pas que l’héritier fut désobéi en rien. À quelque heure qu’il pas que voulut sortir, il falloit être prêt pour le mener, ou plutôt pour le suivre, & il avoit toujours grand soin de choisir le moment où il voyoit son gouverneur le plus occupé. Il voulut user sur moi du même empire, & se venger lu jour du repos qu’il étoit forcé de me laisser la