Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/209

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pourquoi me blâmez-vous de vouloir qu’il soit tout pieds ?

Pour empêcher les enfans de boire quand ils ont chaud, il prescrit de les accoutumer à manger préalablement un morceau de pain avant que de boire. Cela est bien étrange que, quand l’enfant a soif, il faille lui donner à manger ; j’aimerais autant, quand il a faim, lui donner à boire. jamais on ne me persuadera que nos premiers appétits soient si déréglés, qu’on ne puisse les satisfaire sans nous exposer à périr. Si cela était, le genre humain se fût cent fois détruit avant qu’on eût appris ce qu’il faut faire pour le conserver.

Toutes les fois qu’Emile aura soif, je veux qu’on lui donne à boire ; je veux qu’on lui donne de l’eau pure & sans aucune préparation, pas même de la faire dégourdir fût-il tout en nage, & fût-on dans le cœur de l’hiver. Le seul soin que je recommande est de distinguer la qualité des eaux. Si c’est de l’eau de rivière, donnez-la-lui sur-le-champ telle qu’elle sort de la rivière ; si c’est de, l’eau de source, il la faut laisser quelque temps à l’air avant qu’il la boive. Dans les saisons chaudes, les rivières sont chaudes ; il n’en est pas de même des sources, qui n’ont pas reçu le contact de l’air ; il faut attendre qu’elles soient à la température de l’atmosphère. L’hiver, au contraire, l’eau de source est à cet égard moins dangereuse que l’eau de rivière. Mais il n’est ni naturel ni fréquent qu’on se mette l’hiver en sueur, surtout en plein air ; car l’air froid, frappant incessamment sur la peau, répercute en dedans la sueur & empêche les pores de s’ouvrir assez pour lui donner un