Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/23

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signifie cela ? N’y a-t-il pas des habitudes qu’on ne contracte que par force, & qui n’étouffent jamais la nature ? Telle est, par exemple, l’habitude des plantes dont on gêne la direction verticale. La plante mise en liberté garde l’inclinaison qu’on l’a forcée à prendre ; mais la sève n’a point changé pour cela sa direction primitive ; et, si la plante continue à végéter, son prolongement redevient vertical. Il en est de même des inclinations des hommes. Tant qu’on reste dans le même état, on peut garder celles qui résultent de l’habitude, & qui nous sont le moins naturelles ; mais, sitôt que la situation change, l’habitude cesse & le naturel revient. l’éducation n’est certainement qu’une habitude. Or, n’y a-t-il pas des gens qui oublient & perdent leur éducation, d’autres qui la gardent ? D’où vient cette différence ? S’il faut borner le nom de nature aux habitudes conformes à la nature, on peut s’épargner ce galimatias.

Nous naissons sensibles, et, dès notre naissance, nous sommes affectés de diverses manières par les objets qui nous environnent. Sitôt que nous avons pour ainsi dire la conscience de nos sensations, nous sommes disposés à rechercher ou à fuir les objets qui les produisent, d’abord, selon qu’elles nous sont agréables ou déplaisantes, puis, selon la convenance ou disconvenance que nous trouvons entre nous & ces objets, & enfin, selon les jugements que nous en portons sur l’idée de bonheur ou de perfection que la

    M. Formey qui ne veut pas enorgueillir ses semblables, nous donne modestement la mesure de sa cervelle pour de l’entendement humain.