Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/249

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se souvient encore de la petite Anglaise qui faisoit a dix ans des prodiges sur le clavecin [1]. J’ai vu chez un magistrat, son fils, petit bonhomme de huit ans. qu’on mettoit sur la table au s’dessert, comme une statue au milieu des plateaux, jouer là d’un violon presque aussi grand que lui, et surprendre par son exécution les artistes mêmes.

Tous ces exemples & cent mille autres prouvent, ce me semble, que l’inaptitude qu’on suppose aux enfans pour nos exercices est imaginaire, & que, si on ne les voit point réussir dans quelques-uns, c’est qu’on ne les y a jamais exercés.

On me dira que je tombe ici, par rapport au corps, dans le défaut de la culture prématurée que je blâme dans les enfans par rapport à l’esprit. La différence est très grande ; car l’un de ces progrès n’est qu’apparent, mais l’autre est réel. J’ai prouvé que l’esprit qu’ils paraissent avoir, ils ne l’ont pas, au lieu que tout ce qu’ils paraissent faire ils le font. D’ailleurs, on doit toujours songer que tout ceci n’est ou ne doit être que jeu, direction facile & volontaire des mouvements que la nature leur demande, art du varier sans que jamais la moindre contrainte les tourne en travail ; car enfin, de quoi s’amuseront-ils dont je ne puisse faire un objet d’instruction pour eux ? & quand je ne le pourrais pas, pourvu qu’ils s’amusent sans inconvénient, & que le temps se passe, leur progrès en toute chose n’importe pas quant à présent ;

  1. Un petit garçon de sept ans en a fait depuis ce tems-la plus étonnants encore.