Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/252

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point leur langage au sien. N’allez donc pas lui donner à réciter des rôles de tragédie & de comédie, ni vouloir lui apprendre, comme on dit, à déclamer. Il aura trop de sens pour savoir donner un ton à des choses qu’il ne peut entendre, & de l’expression à des sentiments qu’il n’éprouvera jamais.

Apprenez-lui a parler uniment, clairement, à bien articuler, à prononcer exactement & sans affectation, à connaître & a suivre l’accent grammatical & la prosodie, à donner toujours assez de voix pour être entendu, mais à n’en donner jamais plus qu’il ne faut ; défaut ordinaire aux enfans élevés dans les collèges : en toute chose rien de superflu.

De même, dans le chant, rendez sa voix juste, égale flexible, sonore ; son oreille sensible à la mesure & à l’harmonie, mais rien de plus. La musique imitative et théâtral n’est pas de son âge ; je ne voudrois pas même qu’il chantât des paroles ;. s’il en vouloit chanter, je tâcherois de lui faire des chansons exprès, intéressantes pour son âge, & aussi simples que ses idées.

On pense bien qu’étant si peu pressé de lui apprendre à lire l’écriture, je ne le serai as non plus de lui apprendre à lire la musique. écartons se son cerveau toute attention trop pénible, & ne nous hâtons point de fixer son esprit sur des signes de convention. Ceci, je l’avoue, semble avoir sa difficulté ; car, si la connaissance des notes ne paraît pas d’abord plus nécessaire pour savoir chanter que celle des lettres pour savoir parler, il y a pourtant cette différence, qu’en parlant nous rendons nos propres idées, & qu’en