Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/286

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instructions, des études & remarquez que ce n’est pas moi qui fais arbitrairement ce choix, c’est la nature elle-même qui l’indique.

L’intelligence humaine a ses bornes ; & non seulement un homme ne peut pas tout savoir, il ne peut pas même savoir en entier le peu que savent les autres hommes. Puisque la contradictoire de chaque position fausse est une vérité, le nombre des vérités est inépuisable comme celui des erreurs. Il y a donc un choix dans les choses qu’on doit enseigner ainsi que dans le tems propre à les apprendre. Des connaissances qui sont à notre portée les unes sont fausses, les autres sont inutiles, les autres servent à nourrir l’orgueil de celui qui les a. Le petit nombre de celles qui contribuent réellement à notre bien-être est seul digne des recherches d’un homme sage, & par conséquent d’un enfant qu’on veut rendre tel. Il ne s’agit point e savoir ce qui est, mais seulement ce qui est utile.

De ce petit nombre il faut ôter. Encore ici les vérités qui demandent, pour être comprises, un entendement déjà tout formé ; celles qui supposent la connaissance des rapports de l’homme, qu’un enfant ne peut acquérir ; ce les qui, bien que vraies en elles-mêmes, disposent une âme inexpérimentée à penser faux sur d’autres sujets.

Nous voilà réduits à un bien petit cercle relativement à l’existence des choses ; mais que ce cercle forme encore une sphère immense pour la mesure de l’esprit d’un enfant ! Ténèbres de l’entendement humain, quelle main téméraire osa toucher à votre voile ? Que d’abîmes je vois creuser par nos vaines