Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/310

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pas, dès lors il est en état de sentir la différence du travail à l’amusement, & de ne regarder celui-ci que comme le délassement de l’autre. Alors des objets d’utilité réelle peuvent entrer dans ses études, & l’engager à y donner une application plus constante qu’il n’en donnoit à de simples amusements. La loi de la nécessité, toujours renaissante, apprend de bonne heure à l’homme à faire ce qui ne lui plaît pas pour prévenir un mal qui lui déplairait davantage. Tel est l’usage de la prévoyance ; &, de cette prévoyance bien ou mal réglée, naît toute la sagesse ou toute la misère humaine.

Tout homme veut être heureux ; mais, pour parvenir à l’être, il faudrait commencer par savoir ce que c’est que le bonheur. Le bonheur de l’homme naturel est aussi simple que sa vie ; il consiste à ne pas souffrir : la santé, la liberté, le nécessaire le constituent. Le bonheur de l’homme moral est autre chose ; mais ce n’est pas de celui-là qu’il est ici question. Je ne saurois trop répéter qu’il n’y a que des objets purement physiques qui puissent intéresser les enfants, surtout ceux dont on n’a pas éveillé la vanité, & qu’on n’a point corrompus d’avance par le poison de l’opinion.

Lorsque avant de sentir leurs besoins ils les prévoient, leur intelligence est déjà fort avancée, ils commencent à connaître le prix du temps. Il importe alors de les accoutumer à en diriger l’emploi sur des objets utiles, mais d’une utilité sensible à leur âge, & à la portée de leurs lumières. Tout ce qui tient à l’ordre moral & à l’usage de la société ne doit point sitôt leur être présenté, parce qu’ils ne sont pas en