Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/315

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Je n’aime point les explications en discours ; les jeunes gens y font peu d’attention et ne les retiennent guères. Les choses, les choses ! Je ne répéterai jamais assez que nous donnons trop de pouvoir aux mots ; avec notre éducation babillarde nous ne faisons que des babillards.

Supposons que, tandis que j’étudie avec mon Eleve le cours du soleil & la manière de s’orienter, tout à coup il m’interrompe pour me demander à quoi sert tout cela. quel beau discours je vais lui faire ! De combien de choses je saisis l’occasion de l’instruire en répondant à sa question, surtout si nous avons des témoins de notre entretien [1] ! Je lui parlerai de l’utilité des voyages, des avantages du commerce, des productions particulières à chaque climat, des mœurs des différens peu les, de l’usage du calendrier de la supputation du retour des saisons pour l’agriculture : de l’art de la navigation, de la manière de se conduire sur mer et de suivre exactement sa route, sans savoir où l’on est. La politique, l’histoire naturelle, l’astronomie, la morale même & le droit des gens, entreront dans mon explication, de manière à donner à mon Eleve une grande idée de toutes ces sciences & un grand désir de les apprendre. Quand j’aurai tout dit, j’aurai fait l’étalage d’un vrai pédant, auquel il n’aura pas compris une seule idée. Il auroit grande envie de me demander comme auparavant a quoi sert de

  1. J’ai souvent remarqué que, dans les doctes instructions qu’on donne aux enfants, on songe moins à se faire écouter d’eux que des grandes personnes qui sont présentes. Je suis très sûr de ce que je dis là, car j’en ai fait l’observation sur moi-même.