Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/316

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s’orienter ; mais il n’ose, de peur que je me fâche. Il trouve mieux son compte à feindre d’entendre ce qu’on l’a forcé d’écouter. Ainsi se pratiquent les belles éducations.

Mais notre émile, plus rustiquement élevé, & à qui nous donnons avec tant de peine une conception dure, n’écoutera rien de tout cela. Du premier mot qu’il n’entendra pas, il va s’enfuir, il va folâtrer par la chambre, & me laisser pérorer tout seul. Cherchons une solution plus grossière ; mon appareil scientifique ne vaut rien pour lui.

Nous observions la position de la forêt au nord de Montmorency, quand il m’a interrompu par son importune question : à quoi sert cela ? Vous avez raison, lui dis-je il y faut penser à loisir ; & si nous trouvons que ce travail n’est bon à rien, nous ne le reprendrons plus, car nous ne manquons pas d’amusements utiles. On s’occupe d’autre chose, & il n’est plus question de géographie du reste de la journée.

Le lendemain matin, je lui propose un tour de promenade avant le déjeuner ; il ne demande pas mieux ; pour courir, les enfants sont toujours prêts & celui-ci a de bonnes jambes. Nous montons dans la’forêt, nous parcourons les Champeaux, nous nous égarons, nous ne savons plus où nous sommes ; &, quand il s’agit de revenir, nous ne pouvons plus retrouver notre chemin. Le tems se passe, la chaleur vient, nous avons faim ; nous nous pressons, nous errons vainement de côté & d’autre, nous ne trouvons partout que des bois, des carrières, des plaines, nul renseignement pour nous reconnaître. Bien échauffés, bien