Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/334

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il refuseroit d’apprendre ce qui demanderoit une connaissance antérieure qu’il n’auroit pas : s’il voit faire un ressort, il voudra savoir comment l’acier a été tiré de la mine ; s’il voit assembler les pièces d’un coffre, il voudra savoir comment l’arbre a été coupe, s’il travaille lui-même, à chaque outil dont il se sert, il ne manquera pas de se dire : Si je n’avois pas cet outil, comment m’y prendrois-je pour en faire un semblable ou pour m’en passer ?

Au reste, une erreur difficile à éviter dans les occupations pour lesquelles le maître se passionne est de supposer toujours le même goût à l’enfant : gardez, quand l’amusement du travail vous emporte, que lui cependant ne s’ennuie sans vous l’oser témoigner. L’enfant doit être tout à la chose ; mais vous devez être tout à l’enfant, l’observer, l’épier sans relâche & sans qu’il y paraisse, pressentir tous ses sentiments d’avance, & prévenir ceux qu’il ne doit pas avoir, l’occuper enfin de manière que non seulement il se sente utile à la chose, mais qu’il s’y plaise à force de bien comprendre à quoi sert ce qu’il fait.

La société des arts consiste en échanges d’industrie, celle du commerce en échanges de choses, celle des banques en échanges de signes & d’argent : toutes ces idées se tiennent, & les notions élémentaires sont déjà prises ; nous avons jeté les fondements de tout cela dès le premier âge, à l’aide du jardinier Robert. Il ne nous reste maintenant qu’a généraliser ces mêmes idées, & les étendre à plus exemples, pour lui faire comprendre le jeu du trafic pris en lui-même, & rendu sensible par les détails d’histoire naturelle qui regardent les