Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

inhumains & cruels ; la fougue du tempérament les rendoit impatients, vindicatifs, furieux ; leur imagination, pleine d’un seul objet, se refusoit à tout le reste ; ils ne connaissoientni pitié ni miséricorde ; ils auraient sacrifié père, mère, & l’univers entier au moindre de leurs plaisirs. Au contraire, un jeune homme élevé dans une heureuse simplicité est porté par les premiers mouvements de la nature vers les passions tendres & affectueuses : son cœur compatissant s’émeut sur les peines de ses semblables ; il tressaille d’aise quand il revoit son camarade, ses bras savent trouver des étreintes caressantes, ses yeux savent verser des larmes d’attendrissement ; il est sensible à la honte de déplaire, au regret d’avoir offensé. Si l’ardeur d’un sang qui s’enflamme le rend vif, emporté, colère, on voit e moment d’après toute la bonite de son cœur dans l’effusion de son repentir ; il pleure, il gémit sur la blessure qu’il a faite ; il voudrait au prix de son sang racheter celui qu’il a versé ; tout son emportement s’éteint, toute sa fierté s’humilie devant le sentiment de sa faute. Est-il offensé lui-même : au fort de sa fureur, une excuse, un mot le désarme ; il pardonne les torts d’autrui d’aussi bon cœur qu’il répare ces siens. L’adolescence n’est l’âge ni de la vengeance ni de la haine ; elle est celui de la commisération, de la clémence, de la générosité. Oui, je le soutiens &. e crains point d’être démenti par l’expérience, un enfant qui n’est pas mal né, & qui a conservé jusqu’à vingt ans son innocence, est à cet âge le plus généreux, le meilleur, le plus aimant & le plus aimable des hommes. On ne vous a jamais rien dit de semblable ; je le crois bien ;