Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/450

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paraître l’avoir oublié. Tout au contraire, quand vous le verrez honteux de ne vous avoir pas cru, effacez doucement cette humiliation par de bonnes paroles. Il s’affectionnera sûrement à vous en voyant que vous vous oubliez pour lui, et qu’au lieu d’achever de l’écraser, vous le consolez. Mais si à son chagrin vous ajoutez des reproches, il vous prendra en haine, & se fera une loi de ne vous plus écouter, comme pour vous prouver qu’il ne pense pas comme vous sur l’importance de vos avis.

Le tour de vos consolations peut encore être pour lui une instruction d’autant plus utile qu’il ne s’en défiera pas. En lui disant, je suppose, que mille autres font les mêmes fautes, vous le mettez loin de son compte ; vous le corrigez en ne paraissant que le plaindre : car, pour celui qui croit valoir mieux que les autres hommes, c’est une excuse bien mortifiante que de se consoler par leur exemple ; c’est concevoir que le plus qu’il peut prétendre est qu’ils ne valent pas mieux que lui.

Le tems des fautes est celui des fables. En censurant le coupable sous un masque étranger, on l’instruit sans l’offenser ; & il comprend alors que l’apologue n’est pas un mensonge, par la vérité dont il se fait l’application. L’enfant qu’on n a jamais trompé par des louanges n’entend rien à la fable que j’ai ci-devant examinée, mais l’étourdi qui vient d’être la dupe d’un flatteur conçoit à merveille que le corbeau n’étoit qu’un sot. Ainsi, d’un fait il tire une maxime ; & l’expérience qu’il eût bientôt oubliée se grave, au moyen de la fable, dans son jugement. Il n’y a point