Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/70

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faire, & n’épargnez rien pour rendre aisés dans la pratique les soins que vous aurez prescrits. Pourquoi ne les partageriez-vous pas ? Dans les nourritures ordinaires, où l’on ne regarde qu’au physique, pourvu que l’enfant vive & qu’il ne dépérisse point, le reste n’importe guère ; mais ici, où l’éducation commence avec la vie, en naissant l’enfant est déjà disciple, non du gouverneur, mais de la nature. Le gouverneur ne fait qu’étudier sous ce premier maître & empêcher que ses soins ne soient contrariés. Il veille le nourrisson, il l’observe, il le suit, il épie avec vigilance la première lueur de son faible entendement, comme, aux approches du premier quartier, les musulmans épient l’instant du lever de la lune.

Nous naissons capables d’apprendre, mais ne sachant rien, ne connaissant rien. L’âme, enchaînée dans des organes imparfoits & demi-formés, n’a pas même le sentiment de sa propre existence. Les mouvements, les cris de l’enfant qui

    brassent l’une des hanches de la mere avec leurs genoux & leurs pieds, & ils la serrent si bien qu’ils peuvent s’y soutenir sans le secours des bras de la mère. Ils s’attachent à la mamelle avec leurs mains, & ils la sucent constamment sans se déranger & sans tomber, malgré les différents mouvements de la mère, qui, pendant ce temps, travaille à son ordinaire. Ces enfans comment à marcher dès le second mois, ou plutôt à se traîner sur les genoux & sur lu mains. Cet exercice leur donne pour la suite la facilité de courir, dans cette situation, presque aussi vite que s’ils étoient sur leurs pieds. Hist. Nat. T. IV. in-12, page 192.

    À ces exemples, M. de Buffon auroit pu ajouter celui de l’Angleterre ou l’extravagante & barbare pratique du maillot s’abolit de jour en jour. Voyez aussi La Loubère, Voyage de Siam ; le sieur Le Beau, Voyage du Canada, etc. Je remplirois vingt pages de citations, si j’avois besoin de confirmer ceci par des faits.