Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/105

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aussi bien que vous tout ce que vous m’apprenez ? Vous sentez bien qu’il faut nécessairement que j’aille en Europe, en Asie, en Palestine, examiner tout par moi-même : il faudroit que je fusse fou pour vous écouter avant ce temps-là.

Non seulement ce discours me paraît raisonnable, mais je soutiens que tout homme sensé doit, en pareil cas, parler ainsi & renvoyer bien loin le missionnaire qui, avant la vérification des preuves, veut se dépêcher de l’instruire & de le baptiser. Or je soutiens qu’il n’y a pas de révélation contre laquelle les mêmes objections n’aient autant & plus de force que contre le christianisme. D’où il suit que s’il n’y a qu’une religion véritable, & que tout homme soit obligé de la suivre sous peine de damnation, il faut passer sa vie à les étudier toutes, à les approfondir, à les comparer, à parcourir les pays où elles sont établies : nul n’est exempt du premier devoir de l’homme, nul n’a droit de se fier au jugement d’autrui. L’artisan qui ne vit que de son travail, le laboureur qui ne sait pas lire, la jeune fille délicate & timide, l’infirme qui peut à peine sortir de son lit, tous, sans exception, doivent étudier, méditer, disputer, voyager, parcourir le monde : il n’y aura plus de peuple fixe & stable ; la terre entière ne sera couverte que de pèlerins allant à grands frais, & avec de longues fatigues, vérifier, comparer, examiner par eux-mêmes les cultes divers qu’on y suit. Alors, adieu les métiers, les arts, les sciences humaines, & toutes les occupations civiles, il ne peut plus y avoir d’autre étude que celle de la religion : à grand’peine celui qui aura joui de la santé la plus robuste, le mieux