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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/107

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donnât, sous peine de l’enfer, d’être si savant. J’ai donc refermé tous les livres. Il en est un seul ouvert à tous les yeux, c’est celui de la Nature. C’est dans ce grand & sublime livre que j’apprends à servir & adorer son divin Auteur. Nul n’est excusable de n’y pas lire, parce qu’il parle à tous les hommes une langue intelligible à tous les esprits. Quand je serois né dans une Isle déserte, quand je n’aurois point vu d’autre homme que moi, quand je n’aurois jamais appris ce qui s’est fait anciennement dans un coin du monde ; si j’exerce ma raison, si je la cultive, si j’use bien des facultés immédiates que Dieu me donne, j’apprendrois de moi-même à le connoître, à l’aimer, à aimer ses œuvres, à vouloir le bien qu’il veut, & à remplir pour lui plaire, tous mes devoirs sur la terre. Qu’est-ce que tout le savoir des hommes m’apprendra de plus ?

À l’égard de la révélation, si j’étois meilleur raisonneur ou mieux instruit, peut-être sentirois-je sa vérité, son utilité pour ceux qui ont le bonheur de la reconnoître ; mais si je vois en sa faveur des preuves que je ne puis combattre, je vois aussi contre elle des objections que je ne puis résoudre. Il y a tant de raisons solides pour & contre, que ne sachant à quoi me déterminer, je ne l’admets ni ne la rejette ; je rejette seulement l’obligation de la reconnoître, parce que cette obligation prétendue est incompatible avec la justice de Dieu, & que, loin de lever par-là les obstacles au salut, il les eût multipliés, il les eût rendus insurmontables pour la grande partie du genre humain. À cela près, je reste sur ce point dans un