Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/112

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prononce avec respect les mots sacramentaux, & je donne à leur effet toute la foi qui dépend de moi. Quoi qu’il en soit de ce mystère inconcevable, le ne crains pas qu’au jour du jugement je sois puni pour l’avoir jamais profané dans mon cœur.

Honoré du ministère sacré, quoique dans le dernier rang, je ne ferai ni ne dirai jamais rien qui me rende indigne d’en remplir les sublimes devoirs je prêcherai toujours la vertu aux hommes, je les exhorterai toujours à bien taire &, tant que je pourrai, je leur en donnerai l’exemple. Il ne tiendra pas à moi de leur rendre la religion aimable il ne tiendra pas à moi d’affermir leur foi dans les dogmes, vraiment utiles & que tout homme est obligé de croire : mais à Dieu ne plaise que jamais je leur prêche le dogme cruel de l’intolérance ; que jamais e les porte à détester leur prochain, à dire à d’autres hommes : Vous serez damnés [1]. Si j’étois dans un rang plus remarquable, cette réserve pourroit rn’attirer des affaires ; mais je suis trop petit pour avoir beaucoup à craindre, & je ne puis guère tomber plus bas que je ne suis. Quoi qu’il arrive, je ne blasphémerai point contre la justice divine, & ne mentirai point contre le Saint-Esprit.

J’ai longtemps ambitionné l’honneur d’être curé ; je

  1. Le devoir de suivre & d’aimer la religion de son pays ne s’étend pas jusqu’aux dogmes contraires à la bonne morale, tels que celui de l’intolérance. C’est ce dogme horrible qui arme les hommes les uns contre les autres, & les rend tous ennemis du genre humain. La distinction entre la tolérance civile & la tolérance théologique est puérile & vaine. Ces deux tolérances sont inséparables, & l’on ne peut admettre l’une sans l’autre. Des anges mêmes ne vivroient pas en paix avec des hommes qu’ils regarderoient comme les ennemis de Dieu.