Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/147

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Sachez aussi vous-même que plus vous vous rendez difficile sur l’engagement, et plus vous en facilitez l’exécution. Il importe que le jeune homme sente qu’il promet beaucoup, & que vous promettez encore plus. Quand le moment sera venu & qu’il aura, pour ainsi dire, signé le contrat, changez alors clé langage, mettez autant de douceur dans votre empire que vous avez annoncé de sévérité. Vous lui direz : Mon jeune ami, l’expérience vous manque, mais j’ai fait en sorte que la raison ne vous manquât pas. Vous êtes en état de voir partout les motifs de ma conduite ; il ne faut pour cela qu’attendre que vous soyez de sang-froid. Commencez toujours par obéir, & puis demandez-moi compte de mes ordres ; je serai prêt, à vous en rendre raison sitôt que vous serez en état de m’entendre, & je ne craindrai jamais de vous prendre pour juge entre vous & moi. Vous promettez d’être docile, & moi je promets de n’user de cette docilité que pour vous rendre le plus heureux des hommes. J’ai pour garant de ma promesse le sort dont vous avez joui jusqu’ici. Trouvez quelqu’un de votre âge qui ait passé une vie aussi douce que la vôtre, & je ne vous promets plus rien.

Après l’établissement de mon autorité, mon premier soin sera d’écarter la nécessité d’en faire usage. Je n’épargnerai rien pour m’établir de plus en plus dans sa confiance, pour me rendre de plus en plus le confident de son cœur & l’arbitre de ses plaisirs. Loin de combattre les penchants de son âge, je les consulterai pour en être le maître ; j’entrerai dans ses vues pour les diriger, je ne lui chercherai point