Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/177

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ouvrages sont toujours sûrs d’être mal conseillés : les galants qui les consultent sur leur parure sont toujours ridiculement mis. J’aurai bientôt occasion de parler des vrais talents de ce sexe, de la manière de les cultiver, & des choses sur lesquelles ses décisions doivent alors être écoutées.

Voilà les considérations élémentaires que je poserai pour principes en raisonnant avec mon Émile sur une matière qui ne lui est rien moins ; qu’indifférente dans la circonstance où il se trouve, & dans la recherche dont il est occupé. & à qui doit-elle être indifférente ? La connoissance de ce qui peut être agréable ou désagréable aux hommes n’est pas seulement nécessaire à celui qui a besoin d’eux, mais encore à celui qui veut leur être utile : il importe même de leur plaire pour les servir ; & l’art d’écrire n’est rien moins qu’une étude oiseuse quand on l’emploie à faire écouter la vente.

Si, pour cultiver le goût de mon disciple, j’avois à choisir entre des pays où cette culture est encore à naître & d’autres où elle auroit déjà dégénéré, je suivrais l’ordre rétrograde ; je commencerois sa tournée par ces derniers, & je finirois par les premiers. La raison de ce choix est que le goût se corrompt par une délicatesse excessive qui rend sensible à des choses que le gros des hommes n’aperçoit pas ; cette délicatesse mène à l’esprit de discussion ; car plus on subtilise les objets, plus ils se multiplient : cette subtilité rend le tact plus délicat & moins uniforme. Il se forme alors autant de goûts qu’il y a de têtes. Dans les disputes sur la préférence, la philosophie & les lumières s’étendent ; & c’est ainsi qu’on apprend à penser. Les observations fines ne