Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/221

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d’elle ne lui importe pas moins que ce qu’elle est en effet. Il suit de là que le système de son éducation doit être à cet égard contraire à celui de la nôtre : l’opinion est le tombeau de la vertu parmi les hommes, & son trône parmi les femmes.

De la bonne constitution des mères dépend d’abord celle des enfants ; du soin des femmes dépend la première éducation des hommes ; des femmes dépendent encore leurs mœurs, leurs passions, leurs goûts, leurs plaisirs, leur bonheur même. Ainsi toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer & honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable & douce : voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, & ce qu’on doit leur apprendre dès leur enfance. Tant qu’on ne remontera pas à ce principe, on s’écartera du but, et tous les préceptes qu’on leur donnera ne serviront de rien pour leur bonheur ni pour le nôtre.

Mais, quoique toute femme veuille plaire aux hommes & doive le vouloir, il y a bien de la différence entre vouloir plaire à l’homme de mérite, à l’homme vraiment aimable, & vouloir plaire ces petits agréables qui déshonorent leur sexe et celui qu’ils imitent. Ni la nature ni la raison ne peuvent porter la femme à aimer dans les hommes ce qui lui ressemble, & ce n’est pas non plus en prenant leurs manières qu’elle doit chercher à s’en faire aimer.

Lors donc que, quittant le ton modeste & posé de leur sexe, elles prennent les airs de ces étourdis, loin de suivre