Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/237

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la faire belle, tu la fais riche, disoit Appelles à un mauvais peintre qui peignoit Hélène fort chargée d’atours. J’ai aussi remarqué que les plus pompeuses parures annonçoient le plus souvent de laides femmes ; on ne sauroit avoir une vanité plus maladroite. Donnez à une jeune fille qui ait du goût, & qui méprise la mode, des rubans, de la gaze, de la mousseline & des fleurs ; sans diamants, sans pompons, sans dentelles,*

[* Les femmes qui ont la peau assez blanche pour se passe de dentelle donneroient bien du dépit aux autres, si elles n’en portoient pas. Ce sont presque toujours de laides personnes qui amènent les modes, auxquelles les belles ont la bêtise de s’assujettir.] elle va se faire un ajustement qui la rendra cent fois plus charmante que n’eussent fait tous les brillants chiffons de la Duchapt.

Comme ce qui est bien est toujours bien, & qu’il faut être toujours le mieux qu’il est possible, les femmes qui se connaissent en ajustements choisissent les bons, s’y tiennent ; et, n’en changeant pas tous les jours, elles en sont moins occupées que celles qui ne savent à quoi se fixer. Le vrai soin de la parure demande peu de toilette. Les jeunes demoiselles ont rarement des toilettes d’appareil ; le travail, les leçons, remplissent leur journée ; cependant, en général, elles sont mises, au rouge près, avec autant de soin que les dames, & souvent de meilleur goût. L’abus de la toilette n’est pas ce qu’on pense, il vient bien plus d’ennui que de vanité. Une femme qui passe six heures à sa toilette n’ignore point qu’elle n’en sort pas mieux mise que celle qui n’y passe qu’une demi-heure ; mais c’est autant de pris sur l’assommante