Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/243

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l’ouvrage des gouvernantes, il faudrait être fort mal instruit de la tournure de leurs leçons & de la marche de l’esprit humain. Le talent de parler tient le premier rang dans l’art de plaire ; c’est par lui seul qu’on peut ajouter de nouveaux charmes à ceux auxquels l’habitude accoutume les sens. C’est l’esprit qui non seulement vivifie le corps, mais qui le renouvelle en quelque sort c’est par la succession des sentiments & des idées qu’il anime & varie la physionomie ; & c’est par les discours qu’i, inspire que l’attention, tenue en haleine, soutient longtemps le même intérêt sur le même objet. C’est, je crois par toutes ces raisons, que les jeunes filles acquièrent si vite un petit babil agréable, qu’elles mettent de l’accent dans leurs propos, même avant que de les sentir, & que les hommes s’amusent si tôt à les écouter, même avant qu’elles puissent les entendre ; ils épient je premier moment de cette intelligence pour pénétrer ainsi celui du sentiment.

Les femmes ont la langue flexible ; elles parlent plus tôt, plus aisément & plus agréablement que les hommes. On les accuse aussi de parler davantage : cela doit être, & je changerois volontiers ce reproche en éloge ; la bouche & les yeux ont chez elles la même activité, & par la même raison. L’homme dit ce qu’il sait, la femme dit ce qui plaît ; l’un pour parler a besoin de connaissance, & l’autre de goût ; l’un doit avoir pour objet principal les choses utiles, l’autre les agréables. Leurs discours ne doivent avoir de formes communes que celles de la vérité.

On ne doit donc pas contenir le babil des filles, comme celui des garçons, par cette interrogation dure : a quoi cela