Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/258

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l’apparent bonheur de cette vie n’est rien ; qu’il en est une autre après elle, dans laquelle cet Etre suprême sera le rémunérateur des bons & le juge des méchants. Ces dogmes & les dogmes semblables sont ceux qu’il importe d’enseigner à la jeunesse, & de persuader à tous les citoyens. Quiconque les combat mérite châtiment, sans doute ; il est le perturbateur de l’ordre & l’ennemi de la société. Quiconque les passe, & veut nous asservir à ses opinions particulières, vient au, même point par une route opposée ; pour établir l’ordre a sa manière, il trouble la paix ; dans son téméraire orgueil, il se rend l’interprète de la Divinité, il exige en son nom les hommages & les respects des hommes, il se fait Dieu tant qu’il peut à sa place : on devroit le punir comme sacrilège, quand on ne le puniroit pas comme intolérant.

Négligez donc tous ces dogmes mystérieux qui ne sont pour nous que des mots sans idées, toutes ces doctrines bizarres dont la vaine étude tient lieu de vertus à ceux qui s’y livrent, & sert plutôt à les rendre fous que bons. Maintenez toujours vos enfans dans le cercle étroit des dogmes qui tiennent à la morale. Persuadez-leur bien qu’il n’y a rien pour nous d’utile à savoir que ce qui nous apprend à bien faire. Ne faites point de vos filles des théologiennes & des raisonneuses ; ne leur apprenez des choses du ciel que ce qui sert à la sagesse humaine ; accoutumez-les à se sentir toujours sous les yeux de Dieu, à l’avoir pour témoin de leurs actions, de leurs pensées, de leur vertu, de leurs plaisirs, à faire le bien sans ostentation, parce qu’il l’aime ; à souffrir le mal sans murmure, parce qu’il les en