Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/286

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entre les devoirs de la femme, un des premiers est la propreté ; devoir spécial, indispensable, imposé par la nature. Il n’y a pas au monde un objet plus dégoûtant qu’une femme malpropre, & le mari qui s’en dégoûte n’a jamais tort. Elle a tant prêché ce devoir à sa fille dès son enfance, elle en a tant exigé de propreté sur sa personne, tant pour ses hardes, pour son appartement, pour son travail, pour sa toilette, que toutes ces attentions, tournées en habitude, prennent une assez grande partie de son temps & président encore à l’autre : en sorte que bien faire ce qu’elle fait n’est que le second de ses soins ; le premier est toujours de le faire proprement.

Cependant tout cela n’a point dégénéré en vaine affectation ni en mollesse ; les raffinements du luxe n’y sont pour rien. Jamais il n’entra dans son appartement que de l’eau simple ; elle ne connaît d’autre parfum que celui des fleurs, & jamais son mari n’en respirera de plus doux que son haleine. Enfin l’attention qu’elle donne à l’extérieur ne lui fait pas oublier qu’elle doit sa vie & son temps à des soins plus nobles ; elle ignore ou dédaigne cette excessive propreté du corps qui souille l’âme ; Sophie est bien plus que propre, elle est pure.

J’ai dit que Sophie étoit gourmande. Elle l’étoit naturellement ; mais elle est devenue sobre par habitude, & maintenant elle l’est par vertu. Il n’en est pas des filles comme des garçons, qu’on peut jusqu’à certain point gouverner par la gourmandise. Ce penchant n’est point sans conséquence pour le sexe ; il est trop dangereux de le lui laisser. La petite Sophie