Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/122

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particulier ne doit point souiller les vérités utiles. C’est le Décret contre ma personne, c’est mon Livre brûlé par le bourreau, que je transmets à la postérité pour pieces justificatives : mes sentiments sont moins bien établis par mes Ecrits que par mes malheurs.

Je viens, Monseigneur, de discuter tout ce que vous alléguez contre mon Livre. Je n’ai pas laissé passer une de vos propositions sans examen ; j’ai fait voir que vous n’avez raison dans aucun point, & je n’ai pas peur qu’on réfute mes preuves ; elles sont au-dessus de toute replique où regne le sens commun.

Cependant quand j’aurois eu tort en quelques endroits, quand j’aurois eu toujours tort, quelle indulgence ne méritoit point un Livre où l’on sent par-tout, même dans les erreurs, même dans le mal qui peut y être, le sincere amour du bien & le zele de la vérité ? Un Livre où l’Auteur, si peu affirmatif, si peu décisif, avertit si souvent ses lecteurs de se défier de ses idées, de peser ses preuves, de ne leur donner que l’autorité de la raison. Un Livre qui ne respire que paix, douceur, patience, amour de l’ordre, obéissance aux Loix en toute chose, & même en matiere de Religion. Un Livre enfin où la cause de la divinité est si bien défendue, l’utilité de la Religion si bien établie, où les mœurs sont si respectées, où l’arme du ridicule est si bien ôté eau vice, où la méchanceté est peinte si peu sensée, & la vertu si aimable ? Eh ! Quand il n’y auroit pas un mot de vérité dans cet ouvrage, on en devroit honorer & chérir les rêveries, comme les chimeres les plus douces qui puissent flatter & nourrir le