Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/198

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qu’il dit aux douze : Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller ? Il ne paroît pas qu’il eût fort à cœur de conserver ceux qu’il ne pouvoit retenir que par des miracles.

Les Juifs demandoient un signe du Ciel. Dans leur systême, ils avoient raison. Le signe qui devoit constater la venue du Messie, ne pouvoit pour eux être trop évident, trop décisif, trop au-dessus de tout soupçon, ni avoir trop de témoins oculaires : comme le témoignage immédiat de Dieu vaut toujours mieux que celui des hommes, il étoit plus sûr d’en croire au signe même, qu’aux gens qui disoient l’avoir vu ; & pour cet effet le Ciel étoit préférable à la terre.

Les Juifs avoient donc raison dans leur vue, parce qu’ils vouloient un Messie apparent & tout miraculeux. Mais Jésus dit, après le Prophete, que le Royaume des Cieux ne vient point avec apparence ; que celui qui l’annonce ne débat point, ne crie point, qu’on n’entend point sa voix dans les rues. Tout cela ne respire pas l’ostentation des miracles ; aussi n’étoit-elle pas le but qu’il se proposoit dans les siens. Il n’y mettoit ni l’appareil ni l’authenticité nécessaires pour constater de vrais signes, parce qu’il ne les donnoit point pour tels. Au contraire, il recommandoit le secret aux malades qu’il guérissoit, aux boiteux qu’il faisoit marcher, aux possédés qu’il délivroit du Démon. L’on eût dit qu’il craignoit que sa vertu miraculeuse ne fût connue : on m’avouera que c’étoit une étrange maniere d’en faire la preuve de sa mission.

Mais tout cela s’explique de soi-même, si-tôt que l’on